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Paroles d'experts

Protection des cultures : détourner les insectes plutôt que les détruire

Face aux attaques d’insectes, la destruction ne serait plus la solution principale. Suite à la publication de son livre Insecticides, insectifuges aux Presses des Mines, André Fougeroux, membre de l’Académie française d’agriculture, livre les pistes de recherche qui lui semblent prometteuses pour protéger les cultures et faire face aux enjeux du changement climatique.

Quels enseignements clés liés à la lutte contre les insectes tirez-vous du passé ?

André Fougeroux : Il me semble important de comprendre que la situation actuelle n’est pas la résultante de stratégie de protection chimique à tout crin. C’est une idée reçue. Mon ouvrage rappelle l’utilité des insecticides mais aussi leurs effets non intentionnels qui conduisent aujourd’hui à les rejeter en bloc. Les problèmes liés aux insectes n’ont pas disparu pour autant et la maîtrise des « pestes » reste indispensable !

Car, à travers toutes les époques et dans le cadre de tous les modes d’agriculture, les phénomènes de contournement des insecticides existent. La raison : leur incroyable capacité d’adaptation. Par exemple, les populations de mouches blanches peuvent acquérir en une année une résistance à un insecticide.

 

Comment peut évoluer la protection des cultures face au changement climatique ?

André Fougeroux : En cas d’explosion des niveaux de populations des insectes, pour des raisons climatiques ou d’espèces invasives, il faudra conserver le moyen de régler le problème de façon très efficace notamment avec les insecticides. Mais nous devons d’ores et déjà comprendre que le nombre de solutions est et restera extrêmement limité en France. D’où la nécessité d’explorer d’autres voies.

 

Quelles sont les voies les plus prometteuses ?

André Fougeroux : Nous sommes en train de changer notre approche absolutiste de la gestion des insectes. La destruction ne serait plus la solution principale car, quelles que soient les méthodes utilisées, on n’y arrive jamais. Essayons donc de détourner les insectes des cultures par différents moyens, ce sera plus acceptable pour la Société. D’où l’ouverture à des méthodes de protection aux insectifuges, que sont les médiateurs chimiques par exemple.

 

Comment fonctionnent ces nouvelles méthodes ?

André Fougeroux : En clair, on joue sur les signaux qui servent aux insectes à communiquer entre eux ou à reconnaitre les plantes. Avec les phéromones qui saturent l’air, les mâles sont perturbés et n’arrivent plus à repérer les femelles pour l’accouplement. Ces dispositifs surtout utilisés en verger et en vigne contre les lépidoptères pourraient s’appliquer en grandes cultures contre la pyrale et la sésamie par exemple. Avec les kairomones, les insectes sont attirés dans les pièges croyant reconnaitre leurs pairs. Les plantes attractives ou répulsives sont d’autres pistes. Arvalis travaille d’ailleurs en ce sens avec des plantes qui attireraient les larves de taupins aux dépens des pieds de maïs.

La recherche commence aussi à s’intéresser au rôle de leur microbiote intestinal dans les relations plante-insecte ravageur.

Repères
  • 40 200 espèces d’insectes sont dénombrées en France.
  • 2 200 espèces d’arthropodes sont identifiées comme étant des ravageurs des plantes cultivées ou d’ornement.
  • Entre 1950 et 1999, 79 nouvelles espèces d’insectes ravageurs ont été introduites, soit un rythme moyen annuel de 1,58 espèce d’importance agronomique par an.
  • À l’échelle mondiale, on estime qu’entre 20 à 40 % du rendement des cultures sont perdus à cause des ravageurs et des maladies.

 

Source : Insecticides, insectifuges, André Fougeroux, Presse des Mines